Greenwashing : que retenir de la condamnation de TotalEnergies ?
Le Tribunal judiciaire de Paris a condamné TotalEnergies pour greenwashing. Une décision importante, sans bouleversement juridique, qui rappelle aux entreprises la nécessité de clarifier leurs communications environnementales. Décryptage par Maître Jacqueline Brunelet, avocate en droit économique à Lyon.
Jacqueline Brunelet
10/30/20253 min read
Le 23 octobre 2025, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné TotalEnergies pour greenwashing, dans une décision largement relayée et qualifiée d’« historique » par de nombreux commentateurs.
Bien qu'il s'agisse, à notre connaissance, de la première condamnation judiciaire en France pour ce type de pratiques, il convient de rester mesuré : cette décision ne marque pas un tournant, mais s’inscrit dans un mouvement déjà amorcé de renforcement du contrôle des allégations environnementales.
1. Un pas de plus dans la vigilance à l’égard des communications environnementales
Depuis plusieurs années, les entreprises sont invitées à encadrer rigoureusement leurs messages “verts”, sous peine d’être poursuivies pour pratiques commerciales trompeuses.
La DGCCRF a multiplié les contrôles et rappels à la réglementation, et la Commission européenne, après avoir déjà encadré une partie des allégations environnementales dans la directive dite "Green empowerment" en 2024, se prépare à renforcer cet encadrement dans une directive dite Green Claims, afin d'harmoniser les exigences à l’échelle de l’Union.
La décision du Tribunal judiciaire de Paris s’inscrit dans cette tendance, sans en modifier fondamentalement les contours. Elle a toutefois le mérite de poser, de façon plus visible, deux questions encore peu explorées en jurisprudence.
2. La difficile distinction entre communication commerciale et institutionnelle
Le Tribunal a d’abord rappelé que seules les communications commerciales peuvent tomber sous le coup des pratiques commerciales déloyales.
Il distingue donc :
les supports à vocation commerciale (site marchand, page permettant de souscrire une offre),
des supports institutionnels (site corporate, rapport annuel, communication RSE).
Mais cette distinction, bien que théorique, reste floue en pratique.
En effet, le Tribunal cite le considérant n°7 de la directive européenne, qui semble exclure les rapports annuels du champ d’application. Pourtant, ces documents participent souvent à la construction de l’image de marque et à la confiance des investisseurs ou consommateurs.
Certaines publications “institutionnelles” peuvent d'ailleurs avoir un impact promotionnel indéniable, lorsqu'elles sont largement relayées par les entreprises. Or, la DGCCRF a déjà annoncé qu’elle contrôlait aussi les "communications institutionnelles", ce qui laisse entrevoir une extension de fait du champ de la réglementation, potentiellement à rebours d'une lecture littérale de la directive.
Une question reste donc entière : à partir de quand une communication institutionnelle devient-elle une communication commerciale au sens du droit de la consommation ?
La réponse dépendra, sans doute, du contexte de diffusion et de l’intention de l’entreprise.
3. La précision des allégations, point central du raisonnement du Tribunal
Sur le fond, le Tribunal reproche à TotalEnergies d’avoir fait référence à l’Accord de Paris et à des objectifs de neutralité carbone, sans préciser qu’elle s’appuyait sur son propre scénario interne, distinct de celui des études internationales.
Deux enseignements importants peuvent être tirés :
L’obligation d’une explicitation immédiate : les communications doivent mentionner clairement la source, les hypothèses et les limites des engagements affichés.
Le danger du débat purement sémantique : le Tribunal refuse de distinguer artificiellement entre “ambition” et “engagement”. C’est la perception du consommateur moyen qui prime.
Cette approche pragmatique n’est pas nouvelle, mais elle confirme la tendance des juridictions à apprécier les allégations environnementales au cas par cas, selon leur contexte et leur formulation.
4. Une portée encore limitée, mais un signal clair
La décision, à ce stade, n’a pas vocation à bouleverser le cadre juridique existant.
Elle ne crée pas de nouveaux principes, mais vient rappeler aux entreprises qu’elles doivent veiller à la cohérence, la précision et la transparence de leurs communications environnementales.
On notera que TotalEnergies n’a pas interjeté appel, ce qui prive la doctrine et les praticiens d’un éventuel arrêt d’appel plus structurant. Dommage, car la jurisprudence reste encore rare sur ce terrain, et de nombreuses zones d’ombre persistent, notamment sur le régime applicable aux communications extra-financières.
En résumé
Le greenwashing est déjà encadré par le droit des pratiques commerciales trompeuses.
Le Tribunal judiciaire de Paris précise utilement certains critères, sans renverser la logique existante.
Les entreprises doivent surtout retenir l’exigence de clarté et de cohérence de leurs messages, quels qu’en soient le support ou la finalité.
➡️ Le greenwashing n’est pas une nouveauté juridique, mais un risque désormais mieux maîtrisé par les juges.
➡️ La distinction entre communication commerciale et institutionnelle reste floue, et mérite une analyse au cas par cas.
➡️ Les rapports annuels et bilans RSE pourraient, à terme, être davantage scrutés, malgré leur statut incertain.
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